L'événement ne risquait pas de passer inaperçu en Limousin. Toute la presse locale était conviée le 8 mars au ministère de la santé à Paris pour une annonce de première importance : la réouverture du service de radiothérapie de l'hôpital de Guéret (Creuse), fermé depuis le 30 juin 2010. Une "décision de bon sens", a commenté le ministre de la santé, Xavier Bertrand. Si pour le député Jean Auclair (Creuse, UMP), cette réouverture a été acquise grâce à ses relations au ministère, c'est bien la mobilisation populaire qui l'a motivée, assure la majorité départementale de gauche.
Un engagement significatif du contexte difficile qui pèse sur ce territoire. Le département subit un dépeuplement continu – 285 000 habitants à la fin du XIXe siècle, 124 000 début 2010 – et doit faire face à une population rurale à 76 %, composée de retraités à 39 %, avec 22 habitants au km2, soit cinq fois moins que la moyenne nationale.
L'Etat est le premier employeur de la Creuse (26,5 % d'emplois publics, contre 20,3 % au niveau national). L'objectif de la révision générale des politiques publiques (RGPP), programme lancé en juin 2007, est, selon la préfecture, "d'optimiser la gestion des moyens et des ressources humaines dans un objectif de plus grande efficacité et de performance". En clair : adapter l'action de l'Etat à la réalité démographique.
L'ÉDUCATION, SECTEUR LE PLUS TOUCHÉ
Ainsi, sur 111 bureaux de poste en 1998, 48 ont disparu, remplacés par des agences communales (49) et des "relais-poste commerçants" (10) qui, selon La Poste, "offrent l'essentiel des services" mais qui, d'après FO, limitent les opérations. L'effectif de l'administration fiscale tombera de 188 agents en 2000 à 123 en septembre 2011 ; l'équipement (139 salariés) a perdu neuf emplois en 2009. Selon la CGT, les cheminots ne sont plus que 90 contre 240 en 1986, pour trois gares "voyageurs" (14 en 1986) et deux gares "fret" (10 en 1986). Le centre Météo France a été transféré à Limoges ; l'Etablissement du matériel militaire (130 postes) va être fermé d'ici à 2013 ; la prison (30 emplois) en 2015.
L'éducation est le secteur le plus touché : depuis 2008, les 18 collèges ont perdu 31 postes d'enseignant. La suppression de 13 postes est annoncée à la rentrée 2011, et plusieurs filières vont disparaître. Alors que, selon le SNES, le principal syndicat du second degré, le nombre de collégiens va passer de 4 372 en 2008, à 4 461 en 2010.
Une "optimisation" des moyens de l'Etat récusée par Michel Vergnier, député et maire (PS) de Guéret : "Raisonner en termes de seuil et de rentabilité, ça n'a pas de sens dans les territoires ruraux. On est au minimum, descendre encore, c'est nous condamner." Beaucoup craignent un "effet domino", qui répercuterait la régression de l'emploi public sur l'emploi industriel et marchand. "Depuis 2004, continue M. Vergnier, l'emploi public a reculé d'un millier de postes dans le département. Dont, pour ma seule commune, 350 ces quatre dernières années."
"BOUCLIER RURAL"
"C'est la notion même d'aménagement du territoire qui disparaît", déplore Patrice Brunaud, gérant de deux PME qui emploient 27 personnes, et vice-président de la chambre de commerce et d'industrie (CCI). "Notre tissu économique est fait de PME, en général de belles entreprises familiales, mais dont un tiers sont vieillissantes. Il n'est pas évident d'attirer des repreneurs et des cadres dans un territoire qui a une image de déclin", explique-t-il. La CCI, les collectivités locales et le conseil régional ont la même vision des leviers possibles pour inverser l'évolution.
"Il est essentiel de fixer des critères d'accès aux services publics de base", conclut le maire de Guéret, qui a déposé une proposition de loi créant un "bouclier rural". Le 2 février, le député Pierre Morel A l'Huissier (UMP, Lozère) a proposé un "plan Marshall de la ruralité". Projet dénoncé par le PS comme un contre-feu à l'approche du second tour des élections cantonales, le 27 mars. Bouclier contre plan Marshall, un duel qui souligne l'urgence de la situation dans les départements ruraux.
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