mardi 21 septembre 2010

Retraites : «Nous allons proposer de nouveaux amendements»

A deux jours de la mobilisation syndicale, le ministre du Travail, Eric Woerth, annonce des mesures en faveur des femmes, des handicapés et des chômeurs âgés. Elles seront discutées à partir du 5 octobre au Sénat.

Avant la journée de mobilisation, jeudi, des syndicats contre la réforme des retraites et avant l’examen du texte au Sénat, à partir du 5 octobre, le ministre du Travail, Eric Woerth, livre à notre journal les nouvelles pistes sur lesquelles travaille le gouvernement. Des amendements seront déposés en faveur des travailleurs handicapés et des chômeurs âgés.

Il veut aller aussi plus loin dans la lutte contre l’inégalité de salaire hommes-femmes, responsable des écarts de niveaux de pension. « Les mesures d’âges de 62 et 67 ans ne sont pas négociables », prévient toutefois Eric Woerth alors qu’un sondage publié aujourd’hui dans « l’Humanité » montre que 70% des sondés sont hostiles au recul de l’âge de la retraite.

Jeudi, les syndicats espèrent faire aussi bien, voire dépasser la mobilisation du 7 septembre. Si c’est le cas, cela vous amènera-t-il à modifier votre réforme ?
ÉRIC WOERTH. Personne ne peut avoir de certitude sur le niveau de cette journée, ni le gouvernement ni les syndicats. C’est une réforme de grande ampleur, à la hauteur des enjeux : la mobilisation peut se comprendre. Quoi qu’il en soit, l’équilibre général du texte repose sur le passage à 62 ans de l’âge de la retraite et à 67 ans de l’âge d’annulation de la décote. Ces bornes d’âge sont essentielles à l’équilibre du système : elles ne peuvent pas être modifiées car cela signifierait que nous renonçons à payer les retraites dans les années qui viennent. La première des injustices, ce serait le déséquilibre financier qui mettrait en péril le paiement des retraites. Tous les pays d’Europe ont repoussé l’âge de départ à la retraite.

Le chef de l’Etat a laissé entendre que le débat au Sénat sera l’occasion d’amender le projet. Quelles propositions nouvelles allez-vous faire ?
A l’Assemblée nationale, nous avons déjà complété le texte, par exemple, sur la pénibilité en intégrant des remarques faites par les syndicats. Nous avons créé un nouveau droit social lié à la retraite qui sera unique en Europe. Au Sénat, je souhaiterais que l’on puisse avancer sur trois sujets en particulier. Le président de la République souhaite augmenter le nombre de personnes handicapées pouvant bénéficier d’un régime de départ anticipé à la retraite. Nous allons nous y atteler. Nous devons par ailleurs répondre aux craintes des chômeurs âgés qui comptaient pouvoir prendre bientôt leur retraite. Enfin, nous devons aller au bout du débat sur l’égalité hommes-femmes face à la retraite. Sur ces sujets, il y aura des amendements soit du gouvernement, soit de la majorité sénatoriale.

Que proposez-vous pour améliorer la retraite des femmes ?
Ne nous trompons pas de sujet. Les femmes âgées aujourd’hui de 54 ou 55 ans partiront à la retraite avec autant de trimestres que les hommes. Les femmes nées dix ans plus tard partiront en moyenne avec une quinzaine de trimestres en plus. La vraie question n’est donc plus celle de la durée de cotisation ou de l’âge de départ mais celle de la différence de salaires. Cette différence explique pourquoi les pensions des femmes restent inférieures à celles des hommes. C’est scandaleux. Il y a eu sur le sujet six lois votées qui n’ont pas changé grand-chose. Le projet du gouvernement prévoit de sanctionner financièrement les entreprises qui ne feront pas d’effort pour réduire les écarts de salaire hommes-femmes. Il faudra débattre du sujet avec les sénateurs et voir s’ils souhaitent aller plus loin. On n’a pas pu le faire à l’Assemblée car le débat était trop politique et pour tout dire caricatural. Je le regrette car le sujet des retraites mérite autre chose que le choix de la posture et de l’agitation.

Etes-vous favorable à l’idée du président du Sénat, Gérard Larcher, de maintenir la retraite à taux plein à 65 ans pour les femmes ayant élevé trois enfants ?
Les salariés qui partent aujourd’hui à 65 ans et partiront demain à 67 ans ne sont pas, comme le prétend Martine Aubry, les ouvrières du textile. Les femmes concernées ont généralement arrêté de travailler il y a vingt ans en moyenne, le plus souvent par choix. Elles sont deux fois moins concernées par le minimum vieillesse ce qui veut dire concrètement qu’il ne s’agit pas des femmes aux revenus les plus modestes! La plus grosse injustice encore une fois, c’est l’écart de salaire entre les hommes et les femmes.

Envisagez-vous de faire contribuer davantage les hauts revenus ?
La réforme est entièrement financée jusqu’à l’horizon 2018-2020. Elle prévoit 4 milliards d’euros prélevés sur les plus aisés et les entreprises pour abonder le fonds de solidarité vieillesse. C’est considérable. Je tiens aussi à dire que la taxation supplémentaire de hauts revenus se fera hors bouclier fiscal. Il faut arrêter de dire aux Français qu’on peut aller encore plus loin et tout financer par l’impôt. Ça, c’est le projet socialiste du bombardement fiscal. Au final, cela donne moins de pouvoir d’achat, plus de chômage, et des classes moyennes qui prennent cela de plein fouet.

Vous êtes au cœur de l’affaire Woerth-Bettencourt. Les syndicats estiment que cette affaire vous empêche de vous concentrer à 100% sur le dossier des retraites. Ils ont aussi refusé de dialoguer avec vous en public. Les ponts sont-ils rompus ?
Absolument pas. Je me consacre aujourd’hui au débat parlementaire mais je suis évidemment à leur disposition, nous sommes toujours restés en contact. Dans cette affaire, ils ont été plus responsables que le monde politique.

Il y aura un remaniement. Resterez-vous au gouvernement ?
La décision ne m’appartient pas mais je le souhaite. Bien sûr. Pour deux raisons. La première est que je considère qu’il n’y a pas d'« affaire Woerth ». On a beau depuis quatre mois salir mon nom et celui de ma famille, j’ai la conscience tranquille. Le matin, je peux me regarder dans la glace. La seconde raison est que je bénéficie du soutien du président de la République.

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