Changement de méthode : Nicolas Sarkozy, qui faisait mine de ne pas être candidat, est entré ostensiblement en campagne, mardi 11 octobre, au lendemain du premier tour de la primaire socialiste. En apparence, pas de changement dans ce énième déplacement en province, avec rencontre de la population et puis discours. Comme d’habitude, la campagne était de la couleur bleue des gendarmes et la population de Néoux, petit village de 330 habitants niché au fin fond de la Creuse, avait été parquée dans le jardin ensoleillé de la mairie. Le programme de l’Elysée, rédigé tel un dépliant touristique, annonçait un "moment de convivialité" et un "cheminement à travers le village". Effectivement, tout a changé.
Nicolas Sarkozy a pris son temps pendant cette visite et clairement attaqué la gauche, comme il l’avait fait dès le matin, au petit-déjeuner de la majorité. "L'idée du général de Gaulle, c'était d'instaurer une élection présidentielle à deux tours, pas à quatre tours", avait lancé le chef de l’Etat, après que son conseiller presse, Franck Louvrier a demandé un rééquilibrage des temps de parole avec la gauche d’ici au 31 décembre.
Contesté dans son camp qui panique face à la dynamique de la primaire socialiste, M. Sarkozy s’est rendu aux arguments de ceux qui le pressaient sinon d’accélérer le pas, du moins de riposter à la gauche, à l'instar d'Alain Juppé, qui a demandé mardi matin à l’Elysée d’avoir une nouvelle dynamique pour mieux occuper l’espace.
Le chef de l’Etat a donc rendu visite à un buraliste multiservices, visité une école informatisée et discuté avec les villageois et les agriculteurs du coin. M. Sarkozy commence par répondre, c’est inédit, aux questions des enfants. Le président raconte en trois mots son épopée dans le Caucase, la semaine précédente. "Si t’aimes les voyages, fais président de la République". Le chef de l’Etat propose d’emmener un gamin huit jours avec lui. "Oh non", répond l’enfant.
Nicolas Sarkozy parle de son enfance. "Je voulais faire marin, j’ai bien dû vouloir faire pompier. D’ailleurs, c’est un peu ce que je fais", explique-t-il avant de filer à la rencontre des villageois. Des boulangers montrent au président trois petits pains, avec pour inscription : "Nicolas", "Carla" et ?". Humain : le candidat-président doit être humain.
Le traitement de la presse a changé
Toute l’équipe politique du président a fait le déplacement pour ce voyage-test : Henri Guaino, la plume du président qui cherche depuis des mois à trouver le positionnement du candidat ; Olivier Biancarelli, le chef de la cellule politique qui doit gérer les états d’âmes des élus et les mobiliser ; puis enfin Jean-Michel Goudard le publicitaire et Franck Louvrier, conseiller presse du président, qui cherchent tout deux la bonne communication, celle qui mettra fin à l’"antisarkozysme" des médias et permettra de toucher la population.
Le traitement de la presse a changé. Au lieu d’avoir une visite ultra-sécurisée, avec des pools de journalistes – seuls quelques uns assistent à la visite, charge à eux de raconter à leurs collègues ce qui s’est passé –, chacun a pu assister à la visite et discuter avec les responsables politiques qui étaient du voyage.
Le chef de l’Etat était venu flanqué de ses ministres, Valérie Pécresse (budget), François Baroin (finance) et agriculture (Bruno Le Maire). Chacun a le droit de s’exprimer. Si Mme Pécresse reste collée au président, M. Baroin joue le régional de l’étape et évoque avec les habitants sa mère, qui habite à Dun Le Palestel, dans le nord du département, six mois par an. Bruno Le Maire, lui, discute avec les jeunes agriculteurs, dans une région plutôt favorisée par la réorientation des aides en faveur de l’élevage.
"Pas d'avenir avec l'assistanat"
L’équipée présidentielle file ensuite à Aubusson pour un discours sur la ruralité. Pour la première fois depuis longtemps, Nicolas Sarkozy s’est départi de son discours écrit. Pendant des mois, au contraire, il lisait scrupuleusement son texte pour ne pas faire de faux-pas. L’adversaire, c’est la gauche. Et le président, pendant près d’une heure, ne cesse de la critiquer sans la citer, alors que Martine Aubry est en déplacement à l’autre bout du département, à Guéret. "Je vous ai amené du monde, c’est si agréable d’être suivi", explique le président. "Je ne réponds jamais aux méchancetés, ce qui m’économise un temps extraordinaire. Je me demande pourquoi ils parlent tant de moi. Je préfèrerais entendre leurs idées".
Le chef de l’Etat dénonce le "déchaînement de démagogie" sur les services publics, explique qu’il vaut mieux avoir un Internet haut-débit qui fonctionne qu’une perception où seules trois personnes passent par jour, un pôle d’excellence qui préserve la tapisserie d’Aubusson qu’un bureau de poste. Il s’en prend, sans les citer, à la vision de ses adversaires. M. Sarkozy dénonce ceux qui ont "drogué l’agriculture à la subventionnite" et fustige la vision économique présumée de ses adversaires : "Pas d’avenir avec l’assistanat. On n’achète pas le silence de ceux qui souffrent."
Brice Hortefeux, conseiller du président, nie tout changement de stratégie. "Le président ne changera pas le calendrier qu'il s'est fixé. Aujourd'hui, il avait un message fort à faire passer au monde rural, et ce qui transparaît, c'est son tempéramment naturellement combatif". L'UMP compte profiter de son temps de parole de retard sur les télévisions pour occuper le terrain, notamment avec une convention qui sera consacrée à démonter le programme socialiste.
"Le chantage que Montebourg fait à Hollande et Aubry offre à Nicolas Sarkozy un espace politique, qui peut lui ramener les électeurs de centre-gauche. C'est une bénédiction. Pourquoi ne pas l'utiliser ", estime un conseiller du président. Sur la mondialisation, justement, Nicolas Sarkozy devrait s'adresser aux Français autour du G20, qui rassemblera début novembre les principaux dirigeants de la planète à Cannes.