dimanche 18 juillet 2010

On n’a même plus le droit de fumer en terrasse!

Interdire la cigarette en terrasse? Certains cafetiers et restaurateurs franchissent le pas sans complexe. Une initiative qui divise autant dans la profession que parmi les consommateurs.
C’est l’heure de la pause. Lessivé par une longue matinée de travail, Sylvain sirote une bière fraîche à la terrasse du Royal Pereire, un bistrot chic du XVIIe arrondissement de Paris. Bonne nouvelle : chaleur et beau temps sont de sortie. Pourtant, ce directeur marketing de 46 ans n’a pas eu besoin de jouer des coudes pour se faire une place au soleil.

« Ici, la terrasse est non-fumeurs », sourit Sylvain, en pointant du doigt la petite ardoise qui signale l’interdiction. Et même si la majorité des tables sont vides, Olivier, le patron des lieux, n’est pas inquiet. « Les gens commencent à se passer le mot mais ça prendra du temps. Il faut être patient quand on est précurseur. »

Inimaginable il y a encore quelques mois, les premières terrasses non-fumeurs commencent à apparaître ici et là. Deux ans et demi seulement après l’interdiction de fumer dans les cafés et restaurants, certains gérants ont donc décidé d’aller au-delà de la loi — qui épargne les terrasses ouvertes — en bannissant la cigarette en extérieur. Pour l’heure, seule une poignée d’établissements — dont une majorité à Paris — a fait ce pari audacieux. Un phénomène encore naissant « mais en constante augmentation », applaudit Gérard Audureau, président de Droit des non-fumeurs (DNF).

Dernier exemple en date, le restaurant panoramique des Galeries Lafayette, ouvert début juillet, a rangé la clope en plein air au rayon des souvenirs. « C’est un choix dicté par la simplicité : on ne va pas dire aux clients qu’il est interdit de fumer dans le magasin mais que c’est autorisé en terrasse », affirme la direction. « Dès les beaux jours, il y avait des allers-retours incessants entre la salle et le jardin. C’était devenu ingérable », assure de son côté Samy, patron de l’Entrepôt (Paris).
Mais ailleurs, c’est bien l’argument santé qui est d’abord mis en avant. « Les clients non-fumeurs ont aussi le droit de profiter d’un repas en extérieur sans être importunés », estime Annick, propriétaire du Clos de Chevreuse, à Chevreuse (Yvelines). Claude, de passage à la terrasse du Royal Pereire, approuve. « Ça devrait être comme ça partout! » s’enthousiasme cet ex-fumeur de 50 ans.

Les bonnes intentions des gérants cachent aussi l’envie de s’arroger un marché encore déserté. « Il existe une vraie demande pour des terrasses réservées aux non-fumeurs », note Gérard Audureau. La preuve : à Toulon (Var), si le chiffre d’affaires de l’Escapade a d’abord souffert, « les non-fumeurs ont fini par se passer le mot », sourit le chef de salle. Une aubaine qui se paye au prix de quelques prises de bec. « On se fait engueuler par des fumeurs tous les jours. Ils nous disent : Et maintenant, les terrasses! Mais laissez-nous vivre à la fin! » Pourtant, certains accros au tabac apprécient. « Ça permet de faire des pauses sans cigarette. Et puis on profite mieux du repas », souligne Laura, 27 ans, une cliente régulière de l’Entrepôt.
Si la bataille des « pour » et des « contre » ne fait que commencer, son issue importe peu. Car dans tous les cas, ces initiatives ont toutes les chances de faire tâche d’huile. « C’est même une certitude », prédit Gérard Audureau, qui listera dès la rentrée ces établissements précurseurs sur le site de son association*. En attendant que la loi s’y mette? « Ce n’est pas à l’ordre du jour », balaye-t-on au ministère de la Santé.

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