mardi 5 octobre 2010

Me Metzner : Kerviel va faire appel «d'un jugement déraisonnable»

C'est probablement la plus lourde somme exigée d'un prévenu en France. Jérôme Kerviel a été condamné mardi à cinq ans de prison, dont trois années ferme. Surtout, le tribunal de grand instance (TGI) de Paris lui demande de rembourser 4,9 milliards d'euros au titre des dommages et intérêts, l'intégralité des pertes déplorées par la Société Générale, son ancien employeur.
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Soit 16 600 ans pour rembourser la somme, avec son salaire actuel de consultant informatique, qui s'élève à 2 500 euros environ par mois.

«Bien évidemment, dès aujourd'hui, nous allons interjeter appel de ce jugement inacceptable par son caractère totalement excessif», a déclaré son avocat, Me Olivier Metzner. «C'est un jugement totalement déraisonnable qui dit qu'une banque n'est responsable de rien, pas responsable d'une créature qu'elle a fabriquée, que seul Jérôme Kerviel est responsable des excès, des crises d'un système bancaire», a-t-il ajouté.

Kerviel immobile à l'énoncé du jugement

La lecture de la décision du tribunal correctionnel de Paris, une heure durant, a montré un jugement sans circonstances atténuantes pour l'ancien trader. Jérôme Kerviel a été reconnu coupable des trois délits qui ont conduit à son procès : abus de confiance vis-à-vis de son ex-employeur, dont il «a sciemment détourné les moyens techniques», introduction frauduleuse de données dans un système informatique, et faux et usage de faux.

«Les éléments indiqués par la défense ne permettent pas de déduire que la Société Générale ait eu connaissance des activités frauduleuses de Jérôme Kerviel (...)», a déclaré le président de la 11e chambre du tribunal correctionnel, Dominique Pauthe.

Jérôme Kerviel, 33 ans, costume noir, chemise blanche, seul prévenu au procès, était arrivé quelques minutes avant 10 heures dans une salle d'audience archi-comble, où il s'est assis au premier rang. Son avocat, Me Olivier Metzner, a passé plusieurs minutes à saluer les journalistes présents. D'après ces derniers, qui inondent Twitter de commentaires, Jérôme Kerviel est resté immobile à l'annonce la reconnaissance des deux premiers délits. A 11h10, il était toujours dans la salle d'audience, gardant le silence tandis que son avocat rédigeait une déclaration à faire à la presse. «Jérôme Kerviel paie seul pour un système, a déclaré celui-ci à 11h17. Il est révolté, révolté que ceux qui l'ont fabriqué soient exonérés de leurs responsabilités. Ces mots se lisaient dans son regard».

Me Jean Veil, l'avocat de la Société Générale, s'est, lui, exprimé à la sortie. «Lorsque vous avez des employés ou du personnel chez vous, vous ne vérifiez pas le soir s'ils partent avec des couverts et des affaires, vous leur faites confiance.»

«Il fallait le massacrer, ils l'ont fait»

Autour du jeune homme, on se dit «écoeuré». «L'Europe sous la pression des marchés financiers, ce sont les titres que l'on lit dans les journaux, et les juges suivent les consignes : il fallait le massacrer, ils l'ont fait», a dénoncé René Coupa, le fondateur du comité breton de soutien à Jérôme Kerviel, créé dans sa ville natale de Pont L'Abbé. «Qu'il soit jugé pour faute professionnelle, d'accord, mais dire que dire que la Société générale n'était pas au courant, c'est lamentable», a-t-il ajouté.

Même stupéfaction de son ancien professeur d'anglais : «J'ai franchement honte d'être Français, on ne peut plus faire confiance à la justice, quand on voit qu'un non-lieu a été requis contre Jacques Chirac et que parallèlement on demande des milliards d'euros à quelqu'un qui ne pourra jamais les payer».

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