dimanche 20 décembre 2009

La crise des agriculteurs

Une cellule d'aide aux agriculteurs en difficulté fonctionne depuis un peu plus d'un an en Haute-Vienne. Une structure identique existait déjà en Creuse. La Corrèze vient d'installer la sienne.

Jean a sauvé son exploitation grâce à l'intervention du Sesa 87. Ecrasé par les charges, le gaec qu'il dirige avec son père était à deux doigts de déposer le bilan. En cause : des factures d'aliments exorbitantes pour nourrir les 300 bovins de cette belle exploitation familiale de 124 ha au sud de la Haute-Vienne.
Jusqu'en 2007, l'exploitation tournait bien. Et puis il suffit d'un été pourri et d'un manque de céréales produites en autoconsommation sur l'exploitation pour plonger les comptes dans le rouge. S'ajoute à cela des cotisations MSA qui ont doublé passant de 7.000 à 15.000 ? suite à une bonne année 2006.

La veille de la table ronde organisée par le Sesa avec la banque, la chambre d'agriculture et les fournisseurs, Jean n'a pas dormi de la nuit. « Finalement j'en suis sorti soulagé, On avait trouvé une solution » se souvient-il.

Contrairement à d'autres, Jean ne sera pas obligé de monter un dossier agriculteurs en difficulté. Il n'aura pas besoin de demander une aide financière de l'Etat. Sa dette a été échelonnée. Surtout, grâce aux conseils des techniciens, sa consommation d'aliments a été réduite de 12 à 8 tonnes\mois (une économie de 1.200 ?\mois) idem pour les engrais.

Jean et son père ont dû construire un nouveau bâtiment de 1.200 mâ pour une meilleure distribution de la nourriture. Un investissement de 150.000 ?, mais à la clef une économie substantielle d'aliments.

D'autres ont eu moins de chance. « Depuis l'installation du Sesa 87, nous traitons les dossiers de 61 exploitations en difficulté (NDLR : le département compte près de 3.000 exploitations) » explique Isabelle Lelarge, responsable de la cellule au Safran, maison de l'agriculture à Panazol.

La moitié de ces dossiers sont viables. La mise en place d'un plan d'étalement de la dette est possible en accord avec la banque et les fournisseurs. Pour l'autre moitié, la situation est plus difficile, voire critique.

Depuis octobre 2008, 6 agriculteurs ont cessé leur activité dont une liquidation judiciaire.

La moitié des exploitants qui s'adressent au Sesa sont des éleveurs bovin viande. Mais la crise des prix n'épargne aucune production. « Depuis l'été, les appels viennent de producteurs laitiers; une dizaine au cours du dernier trimestre. Au début de l'année, nous avons eu surtout des éleveurs ovins » précise Isabelle Lelarge.

Âgés de 25 à 55 ans, ce sont des agriculteurs en milieu de carrière à la tête d'exploitations de taille moyenne, entre 50 et 70 ha, voire petites, moins de 30 ha.

« Il y a toujours une explication à la difficulté » lâche Isabelle Lelarge. Et ces causes peuvent être très variées. Des problèmes de santé, divorce, solitude, un problème sanitaire peuvent faire capoter une exploitation. « Nous rencontrons beaucoup de gens qui sont au bout du rouleau. Il y a un gros travail psychologique à mener. » Près de 60 % des dossiers jugés non viables sont le fait de personnes seules, célibataires ou séparées.

Dans ce sombre tableau, on trouve aussi des exploitations qui survivent avec des problèmes chroniques, de petites structures avec une production limitée, et sans possibilité de d'agrandissement faute de capitaux. Certains peuvent aussi manquer de technicité ou de rigueur. « Le courage ne suffit pas. Il y a beaucoup de misère dans les campagnes » commente Isabelle Lelarge.

Mais au-delà des accidents de la vie, la crise économique de l'agriculture fragilise la plupart des exploitations. Y compris les plus solides. « En 6 mois, une trésorerie peut être flinguée, commente un responsable syndical agricole. »

Pour beaucoup d'exploitations, les primes européennes versées en fin d'année ont déjà été consommées pour rembourser des crédits relais contractés en début d'année pour payer les fournisseurs. Sans marges de sécurité suffisantes, les exploitations vivent aujourd'hui sur le fil du rasoir.

Aucun commentaire: