lundi 22 février 2016

Budget de l'ex-région Poitou-Charentes APLC, des surprises de taille

Budget de l'ex-région Poitou-Charentes : mauvaise surprise pour Rousset

Alain Rousset : « Si j’avais été au courant, ça n’aurait pas traîné ». © 
ARCHIVES THIERRY DAVID/« SUD OUEST »

La vice-présidence de Jean-François Macaire aux finances pourrait être remise en cause après la découverte par Alain Rousset d’une gestion picto-charentaise beaucoup moins saine qu’en Aquitaine ou en Limousin

Il y a une dizaine de jours, Alain Rousset est alerté par la Fédération départementale du bâtiment de la Vienne, qui se plaint de factures impayées de la part de l'ex-Région Poitou-Charentes et souligne le risque que fait courir ce retard à de nombreuses entreprises. Suite à ce courrier, révélé par nos confrères de « La Nouvelle République du Centre-Ouest », Alain Rousset délègue à Poitiers un de ses collaborateurs, Alexandre Piton, qui découvre une situation financière de nature à « contrarier » l'actuel président de la Région ALPC.
« Sud Ouest ». Qu'avez-vous découvert dans les comptes de l'ancienne Région Poitou-Charentes ?
Alain Rousset. D'abord des factures impayées ou en retard, d'un montant de 132 millions d'euros. En raison de la fusion des trois Régions, les comptes devaient cette année être arrêtés en novembre, soit avec un mois d'avance. Dans ces factures, il y avait de l'investissement, c'est-à-dire des factures non réglées à des entreprises, et du fonctionnement, c'est-à-dire des dotations aux lycées non attribuées. Dès que j'ai été prévenu de cette situation, j'ai donné ordre aux services de résoudre le problème au plus vite. Pour l'heure, 46 millions d'euros ont déjà été payés. Tout sera soldé dans deux ou trois semaines. Le rattrapage se fait à marche forcée car ma préoccupation principale est la santé des entreprises. Cela se fait, je tiens à le préciser, sans poser le moindre souci de trésorerie.
Pourquoi cette situation ne se produit-elle qu'en Poitou-Charentes et ni en Aquitaine ni en Limousin ?
Il y a en effet un problème spécifique picto-charentais. Je l'assume et je le règle. Disons que c'est une Région qui manifestait beaucoup de volontarisme et avait sans doute les yeux plus gros que le ventre par rapport aux capacités de financement. Cela me renforce dans ma volonté d'harmoniser le plus rapidement possible les politiques publiques issues des trois Régions.
Ces factures ne sont pas le seul souci que vous avez découvert…
Le diagnostic révèle en effet une faible capacité de désendettement ainsi que 130 millions d'euros d'emprunts dits structurés, c'est-à-dire ces emprunts à taux faible, adossés à d'autres monnaies comme le franc suisse ou le yen, et qui, selon la fluctuation de ces monnaies, peuvent exploser et devenir des emprunts toxiques. Ce sont des mines sous nos pieds et je veux justement les solder pour assainir les finances.
En avez-vous parlé à Jean-François Macaire, l'ex-président qui est aujourd'hui vice-président aux finances de la nouvelle Région ?
Oui, bien sûr, et il m'a fait part de sa préoccupation. Mon souci est de savoir s'il était totalement au courant de cette situation pour laquelle j'ai été amené à relever de ses fonctions le directeur des finances de l'ancienne Région Poitou-Charentes.
Jean-François Macaire© PHOTO ARCHIVES LACAUD ANNE
Mais, vu la situation picto-charentaise, Jean-François Macaire peut-il rester vice-président aux finances ?
C'est une situation évidemment gênante. Je lui ai posé la question et, selon ce qu'il décidera, je prendrai mes responsabilités. Je tiens à dire qu'il n'y aura pas de crise au sein de l'exécutif, pas plus qu'il n'y aura de catastrophe budgétaire. Ces découvertes sont contrariantes mais il faut les mettre en perspective avec un budget qui s'élève à 2,4 milliards d'euros.
Comment cette situation a-t-elle pu échapper aux radars de la Chambre régionale des comptes et au travail que vous avez effectué en amont de la fusion, notamment lors de la campagne électorale ?
Si on ne vous communique pas tous les documents et si vous n'êtes pas en mesure de les réclamer, comme je le suis désormais en tant que président, vous ne pouvez pas être au courant. J'ignorais cette situation. Je pense être assez réputé pour mon souci de rigueur, quasiment auvergnat, dans la gestion de l'argent public. Si j'avais été au courant, ça n'aurait pas traîné. Tout comme je suis connu pour mon souci de transparence, d'où le fait que je réponde à vos questions.
La situation est-elle également gênante du fait de la personnalité de l'ancienne présidente, Ségolène Royal ?
Ne mélangez pas tout. Ségolène Royal a cédé la présidence de la Région depuis un bon bout de temps et il n'y a chez moi aucune arrière-pensée politique. Je réagis là uniquement en gestionnaire de l'argent public.
Sur le plan politique, en revanche, je répète qu'il est urgent d'harmoniser nos politiques publiques. D'où ma décision de lancer un audit global sur les trois anciennes Régions et de rencontrer rapidement le président de la Chambre régionale des comptes.
Jean-François Macaire sur un siège éjectable
Alain Rousset a beau marcher sur des œufs quand il évoque Jean-François Macaire, l’ancien président picto-charentais, on devine entre les lignes que le sort de l’actuel vice-président délégué aux finances de la nouvelle Région Aquitaine est quasiment scellé.
On ne voit en effet pas comment Alain Rousset pourrait laisser à ce poste, ô combien sensible et stratégique, un élu qui laisse une telle ardoise. S’il n’était pas au courant, c’est grave, surtout aux yeux d’Alain Rousset pour qui, « dans une collectivité, le vrai patron des finances, c’est le président ». S’il était au courant et qu’il a dissimulé la situation, c’est tout aussi grave.

« Début janvier, j’ignorais tout »

En vacances ces derniers jours au Québec, Jean-François Macaire est aujourd’hui à Bordeaux, où se tient une commission permanente dont on peut penser qu’elle sera mouvementée et au cours de laquelle Alain Rousset promet d’informer les élus de la situation.
Ce qu’a découvert Alexandre Piton, envoyé spécial à Poitiers pour remettre de l’ordre, est un gros caillou dans la chaussure d’Alain Rousset. Mais il faut se rappeler que, pendant la campagne électorale, ses relations avec Jean-François Macaire, qui s’était présenté contre lui à la primaire, n’étaient pas placées sous le signe d’une grande confiance. « On avait souvent du mal à obtenir certains documents », se souvient un proche d’Alain Rousset. Au point qu’on se demande d’ailleurs pourquoi le président élu lui a confié les finances. « Mais début janvier, j’ignorais tout de cette situation », répond-il.
La confiance était en tout cas suffisamment faible pour qu’Alain Rousset préfère attribuer la première vice-présidence au Limousin Gérard Vandenbroucke, avec lequel les relations étaient au beau fixe.
Le ménage commence donc à être fait à Poitiers. Le directeur financier a été relevé de ses fonctions et les proches de Jean-François Macaire, mais, avant lui, de Ségolène Royal, comme François et Blanka Scarbonchi, ont été mis sur la touche. Et ce n’est sans doute pas fini…

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