vendredi 13 janvier 2012

Alcool au volant : la faille qui fait sauter les PV

 Pris en flagrant délit de conduite en état d’ivresse, des automobilistes échappent pourtant à toute sanction. En cause : un simple oubli de renouvellement d’homologation de l’éthylomètre.

Certains éthylomètres, encore utilisés par les forces de l’ordre, ne sont plus homologués depuis mai 2009.
Certains éthylomètres, encore utilisés par les forces de l’ordre, ne sont plus homologués depuis mai 2009.Les récents efforts des pouvoirs publics pour lutter contre la conduite en état d’ivresse pourraient bien être réduits à néant par une étonnante négligence administrative. Un cabinet d’avocats parisien soulève depuis plusieurs mois un argument devant les tribunaux qui permet à ses clients d’échapper à toutes poursuites dans des dossiers d’alcool au volant, même avec des taux très élevés.
Plusieurs dizaines de décisions ont déjà été rendues — par le tribunal de grande instance de Saint-Omer (Pas-de-Calais), celui de Bobigny (Seine-Saint-Denis), ou par le tribunal correctionnel de Dijon (Côte-d’Or) pour une récidive de conduite en état d’ivresse... — et plus encore sont en d’instruction. A chaque fois, la nullité des poursuites a été décidée, au prix fort tout de même puisque les contrevenants doivent sortir quelques milliers d’euros pour bénéficier de l’assistance d’un .

Les procédures engagées deviennent totalement illégales
L’un des éthylomètres les plus utilisés par les forces de l’ordre lors de contrôles d’alcoolémie, le SERES 679 E, est en ligne de mire. «Cet appareil, que l’on retrouve dans 9 dossiers sur 10 aujourd’hui, a été homologué par deux décisions en 2000 et 2001, avec une date de validité courant jusqu’au 17 mai 2009, explique Rémy Josseaume, avocat spécialiste du droit routier au cabinet Lesage à . Or, depuis cette date, aucun autre certificat n’est venu proroger ou renouveler cette homologation. » Du coup, les procédures engagées avec l’aide de ce même modèle d’appareil deviennent, au yeux de la justice, totalement illégales puisque la loi, comme la jurisprudence de la Cour de cassation, impose le recours à un appareil homologué.
Lorsqu’un automobiliste est contrôlé positif à l’éhylotest dans sa voiture, les forces de l’ordre procèdent en effet à un second contrôle, cette fois-ci à l’aide d’un éthylomètre. L’appareil, plus imposant, est parfois installé à l’arrière d’une fourgonnette ou, plus généralement, dans les locaux d’une gendarmerie ou dans un commissariat. La seconde vérification permet de connaître avec précision le taux d’alcoolémie pour déterminer ensuite le montant de la peine.

« Je n’arrive toujours pas à m’expliquer pourquoi ce genre de négligence n’est pas corrigée, s’interroge Rémy Josseaume. C’est d’autant plus étonnant que les pouvoirs publics, comme de nombreuses associations, ont fait de la lutte contre la conduite en état d’ivresse leur cheval de bataille en décembre 2011. Le gouvernement a de surcroît prévu de rendre obligatoire, d’ici quelques semaines, la possession d’un éthylotest chimique. Pour qu’une règle soit applicable et appliquée par tous, il faut d’abord qu’elle soit légale. »
« L’Etat a bien tenté de riposter en avançant un argument juridique, s’amuse Jean-Baptiste Le Dall, lui aussi avocat. Mais en brandissant un simple décret face à un texte de loi ! » En attendant que l’administration régularise la situation, plusieurs dizaines d’automobilistes pris en flagrant délit de conduite sous l’empire de l’alcool risquent d’échapper à toute sanction... pour un simple oubli.

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