dimanche 8 août 2010

Arnaud Montebourg : « Sarkozy est à ranger au rayon des incapables »

Le socialiste Arnaud Montebourg, député et président du conseil général de Saône-et-Loire, conteste vivement le bilan du chef de l’Etat en matière de sécurité. Et il dénonce l’illégalité de certains de ses projets.

Selon les sondages, les mesures sécuritaires annoncées par Nicolas Sarkozy sont approuvées par les Français. Cela vous étonne-t-il?
ARNAUD MONTEBOURG. Non, car l’échec du pouvoir actuel dans la lutte contre l’insécurité est dans toutes les têtes.

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Dans ce domaine, ce sont presque dix ans de pleins pouvoirs pour Nicolas Sarkozy, comme ministre de l’Intérieur et président de la République, une trentaine de lois votées, des déclarations
de guerre depuis des années… qui n’ont jamais eu de résultats.

Mais les mesures que la gauche a beaucoup critiquées semblent recueillir l’assentiment des Français…
Je ne pense pas que les personnes interrogées aient pris le temps d’étudier les graves conséquences de ces mesures. Elles sont dangereuses et inefficaces parce qu’elles transforment les étrangers en boucs émissaires alors que la question de l’insécurité n’est pas liée à une quelconque origine, mais au problème persistant de l’absence de police sur le terrain, du fait notamment de la suppression de ses effectifs. A Grenoble, 110 policiers de moins, en Seine-Saint-Denis, 400… En 2010, dans toute la France, c’est 2744 postes de policiers et gendarmes en moins. Les Français approuvent les contre-propositions que nous faisons depuis des années, notamment la police de proximité avec la population. La police du pouvoir est utilisée comme la cavalerie américaine, qui arrive après la bataille. C’est ce qui se passe partout, y compris en milieu rural.

Dans une période compliquée en termes de finances publiques, est-il réaliste de demander une hausse des effectifs?
A partir du moment où nous sommes en face d’activités dangereuses pour la population comme pour les forces de l’ordre, que vous avez des délinquants qui tirent à balles réelles avec des armes de guerre, l’argument des finances publiques n’a aucun sens. Aujourd’hui, le gouvernement fait des chèques énormes à madame Bettencourt et à tout ce que le pays compte de très grandes fortunes, et refuse de salarier les policiers qui manquent pour les quartiers populaires!

Michel Rocard estime que le projet du gouvernement de condamner les parents d’enfants délinquants remonte « à Vichy » et aux « nazis ». Vous approuvez cette comparaison?
Oui, les Français doivent se souvenir que le seul régime qui a déchu de la nationalité des milliers de personnes, c’était le régime de Vichy avec les Juifs. Il a fait de citoyens français, des non-français. Cela reste une trace indélébile dans notre histoire. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui le pacte constitutionnel ne permet pas de retirer à quelqu’un sa nationalité pour un simple délit. Cela n’est accepté que pour les crimes les plus graves et surtout à la condition que tous les Français puissent risquer cette peine, qu’il n’y ait pas deux catégories de Français, ceux que le président a qualifiés d’origine étrangère, ce qui fait beaucoup de monde, et les autres. Il faut faire attention au respect de la Constitution. Un gouvernement, quel qu’il soit, ne peut pas la violer, même si les mesures proposées paraissent un temps populaires.

On a l’impression que la direction du PS ne veut pas entrer dans le débat...
Nous n’esquivons pas l’échec de la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy. Les agressions sur les personnes ont notamment augmenté de 16%. Tout le monde a échoué, autant les angéliques, c’est-à-dire ceux qui cherchent des excuses, que les sécuritaires, ceux qui se livrent aux surenchères. Il faut construire un pacte de tranquillité publique, que nous nous mettions d’accord, droite et gauche, sur les moyens à engager pour donner des résultats concrets à la population. Ce qui compte pour les Français, aujourd’hui, ce n’est pas qu’il y ait des luttes politiques sans fin, c’est qu’il y ait des résultats. Pour l’instant, ils ne sont pas au rendez-vous et après dix ans de pouvoir M. Sarkozy est, comme d’autres, à ranger aux rayons des incapables en la matière. La modestie devrait amener l’UMP à réfléchir à sa politique, pas plus efficace que d’autres.

La droite dénonce l’angélisme de la gauche. Reconnaissez-vous que cela a été le cas?
L’angélisme de la gauche dans une période où la société était moins violente a laissé la place à l’angélisme de la droite qui pense qu’il suffit de multiplier les imprécations pour que les résultats suivent. Quand le président passe son temps à faire des déclarations sans mettre de moyens sur le terrain, c’est de l’angélisme.

L’affaire Eric Woerth a encore connu des rebondissements cette semaine. Le ministre vous paraît-il de plus en plus affaibli?
Ce n’est pas tant Eric Woerth que la question du système de financement de l’UMP. Ce parti a organisé, sur une échelle industrielle, l’échange de services avec les très grandes fortunes dont il accepte des financements importants contre des privilèges fiscaux et des faveurs personnelles. Certains cas, comme l’affaire Bettencourt ou l’affaire César, relèvent tous du même système : le ministre a connaissance de graves violations de la loi, d’utilisation de paradis fiscaux, et il n’enclenche pas de poursuite ou, pire, il passe carrément l’éponge. Nous sommes devant un scandale d’Etat extrêmement lourd.

Pensez-vous que les enquêtes en cours aboutiront?
Il est intolérable que le procureur Courroye, qui a perdu tout sens de l’honneur dans l’exercice de ses fonctions, refuse de nommer un juge d’instruction indépendant. Sa mission consiste à enterrer ces affaires. Je lui adresse un message personnel : sa conscience de magistrat ne se relèverait pas d’aussi graves manœuvres s’il acceptait de s’y prêter. Je renouvelle la demande que formule le PS depuis des semaines : il faut un juge indépendant dans cette affaire grave.

Un an et demi avant la présidentielle, le climat vous paraît-il favorable à la gauche?
La gauche se reconstruit de façon positive et se renforce dans le pays. Elle n’est pas encore en mesure de proposer l’alternative qui ouvrira un nouveau cycle politique. Mais dans les prochains mois, nous allons accélérer nos propositions pour préparer l’alternance de 2012 qui ouvrira une nouvelle ère pour le pays.

Vous êtes l’organisateur, au PS, des primaires pour désigner le candidat de 2012. Vous les vouliez ouvertes aux autres partis de gauche, mais aucun n’est d’accord. Est-il encore possible de les convaincre?
Tous les Français ont gagné, en pouvant y participer, le droit d’écrire une page de l’histoire de France avec nous. Quels partis s’y joindront? Cela n’a pas encore été décidé. D’ailleurs j’accueillerai à Frangy-en-Bresse (le 22 août) Jean-Pierre Chevènement car ce qu’il a à dire est aussi intéressant que ce que les socialistes ont à dire.

Comptez-vous vous présenter aux primaires?
Il est beaucoup trop tôt pour le dire. Pour l’instant, je les organise.

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